- CORDOUE
- CORDOUERomaine et musulmane, témoignage de deux des grandes civilisations qui ont fleuri jadis en Espagne, Cordoue associe au prestige de son passé le charme de sa vie présente. Par ses monuments, surtout sa grande mosquée, elle reste un des hauts lieux de l’art de l’Islam.La croissance et le rôle de Cordoue s’expliquent en grande partie par son site. La ville est située dans la moyenne vallée du Guadalquivir. Cette grande voie sud-est - nord-ouest de l’Andalousie débouche largement sur l’Océan; par son cours supérieur, elle donne accès, à travers les cols de la sierra Morena, au centre de la Meseta ibérique et, par la vallée affluente du Genil, à la région de Grenade. Malgré ces liaisons assez faciles avec le nord et l’est de la Péninsule, c’est vers le sud que Cordoue s’est développée. Si, en basse Andalousie, son influence s’est heurtée à celle de Séville, Cordoue a régné pleinement sur la moyenne vallée du fleuve et sur les riches plaines ondulées de la rive gauche auxquelles les Romains avaient donné – et elles l’ont gardé – le nom de la Campanie: Campiña .Métropole de l’Andalousie romaineL’emplacement de la ville a été déterminé par un pont qui date de l’époque romaine et qui, pendant des siècles, fut un passage obligé pour de vastes régions. Le site de Cordoue offrait d’autres avantages: aux environs mêmes de la ville, on trouvait de la pierre à bâtir et de l’argile; la sierra Morena donnait du bois en abondance; la vallée et les terrasses alluviales permettaient riches cultures et jardins. Le Guadalquivir, les ruisseaux et les sources de la Morena fournissaient toute l’eau désirable. Sur la rive droite du fleuve, la ville était à l’abri des crues. Mais sur les pentes très douces qui conduisent au pied de la montagne, elle n’était pas en position forte et elle eut toujours besoin d’être défendue par de solides murailles.Rome utilisa pleinement ce site favorable. Auguste, entre 7 et 2 avant J.-C., réorganisa l’Espagne qui jusqu’alors avait été divisée en deux grandes zones de commandement: l’Espagne Citérieure et l’Espagne Ultérieure. Cette dernière forma deux provinces: la Lusitanie, qui eut pour chef-lieu Mérida, et la Bétique, dont Cordoue fut la capitale. Cordoue se trouva ainsi à la tête de la plus riche province de l’Espagne romaine: la civilisation des conquérants eut vite fait de s’y enraciner et d’y porter ses fruits.Au nord d’un méandre du Guadalquivir, la ville romaine s’inscrivait dans un quadrilatère irrégulier d’environ 1 200 m de côté qui forme aujourd’hui encore le cœur de la cité. Mais la Cordoue musulmane et moderne a recouvert le site antique et toutes les grandes bâtisses romaines ont disparu. Toutefois, près de l’actuel hôtel de ville, on a dégagé les restes d’un grand temple: une partie de sa colonnade a pu être restituée. Dans le sous-sol de Cordoue, on ne cesse de recueillir des vestiges romains. La continuité même de la vie cordouane a masqué le premier visage de la ville qui fut la métropole de l’Andalousie romaine. À l’époque wisigothique, du Ve siècle au début du VIIe siècle, la capitale de l’Espagne unifiée fut Tolède: Cordoue ne fut plus qu’une métropole provinciale. Le premier art wisigothique – les pièces de musée en témoignent – se développa surtout en Andalousie en liaison avec l’Afrique chrétienne, mais, au cours du VIe siècle, la primauté artistique passa à Tolède.Capitale musulmaneUn événement imprévu allait mettre fin à cette semi-éclipse et permettre à Cordoue, en connaissant des destins nouveaux, d’atteindre son apogée: en 711, les armées de l’Islam réalisaient la conquête de la péninsule Ibérique, sauf dans ses confins nord-ouest, et bientôt effectuaient des raids en Gaule. Cordoue fut prise par une colonne musulmane après un siège de trois mois, tandis que Tarik et Mousa soumettaient le reste du pays.En 716, le gouvernement de la nouvelle province d’Al-Andalous s’installait à Cordoue qui devenait ainsi la capitale de toutes les terres musulmanes de la Péninsule, du détroit de Gibraltar aux Pyrénées, de la Méditerranée à l’Atlantique. Sous ce gouvernement un nouvel ordre religieux, politique et social, et bientôt une civilisation venue d’Orient furent établis en Espagne. Cette primauté de Cordoue fut confirmée et maintenue par l’installation de la dynastie omeyyade fondée en 756 par un descendant des califes de Damas, et qui, jusqu’en 1109, réunit sous son autorité toute l’Espagne musulmane. À cette civilisation islamique espagnole, Cordoue put, au début, transmettre des traditions romaines et wisigothiques. Toutefois, dès le VIIIe siècle, elle adoptait la loi de l’Islam et sa langue officielle, l’arabe; au IXe siècle, elle recevait d’Orient les formes de sa vie privée, et au Xe siècle elle accordait une large place dans ses arts aux leçons de Bagdad et du monde abbasside.Cordoue, dans un véritable éclectisme créateur, ne cessa de pratiquer la synthèse de ses traditions propres et des apports orientaux. De Cordoue, la civilisation musulmane d’Espagne rayonna sur tout le pays. Un monument résume cette œuvre: la grande mosquée, fondée par l’Omeyyade Abd ar-Rahman, qui associe des traditions locales à des apports syriens. Au IXe siècle, le sanctuaire fut agrandi par Abd ar-Rahman II. Avec Al-Hakam II, au Xe siècle, de considérables apports orientaux enrichirent le monument sans jamais ternir sa personnalité; la dernière extension de la mosquée, sous Al-Mansour, à la fin du siècle, prolongea un art qui avait trouvé ses formules propres et en avait acquis la maîtrise.Cordoue s’agrandit, en ce même Xe siècle, de vastes faubourgs, et, dans sa banlieue, furent fondées deux villes de gouvernement qui abritaient, avec les palais du souverain, tous les organismes du pouvoir central: Madinat al-Zahra, dont les fouilles nous révèlent la splendeur, et Madinat al-Zahira, aujourd’hui disparue.La capitale de l’Islam espagnol, foyer d’une brillante civilisation, rivalisait avec les métropoles musulmanes d’Orient et restait sans égale dans le monde occidental. La période du califat omeyyade, le Xe siècle et les premières années du XIe siècle, virent l’apogée de la ville.Rien ne semblait menacer de l’extérieur cette admirable réussite; elle fut ruinée par des troubles intérieurs qui, après une vingtaine d’années d’anarchie, menèrent le califat cordouan à sa perte. Pillée par les miliciens berbères dès 1009, Cordoue abandonnait à la ruine la plupart de ses faubourgs.Capitale provinciale aux XIe et XIIe sièclesÀ la chute du califat, l’Espagne musulmane se morcela en de multiples unités provinciales. Cordoue resta à la tête d’un de ces petits États dont la vie était souvent difficile et menacée. Fière d’un passé glorieux et tout proche qu’elle s’efforçait de prolonger dans la littérature, la pensée et les arts, elle était cependant à jamais déchue de sa primauté politique et économique.La domination qu’établirent sur l’Espagne musulmane deux dynasties marocaines, les Almoravides et les Almohades, qui retardèrent de plus d’un siècle la reconquête chrétienne, assura à Cordoue, pendant tout le XIIe siècle, la paix dans la soumission à un pouvoir étranger. Elle restait le siège d’un des grands gouvernements militaires que les souverains africains organisaient dans la Péninsule.Mais, en 1212, les Almohades subissaient à Las Navas de Tolosa, devant une coalition chrétienne, une irrémédiable défaite. Au cours du XIIIe siècle, le Portugal, l’Aragon et surtout la Castille conquirent la majorité des terres musulmanes de la Péninsule. Le petit royaume nasride de Grenade ne devait subsister qu’en se faisant, dans une première étape, le vassal du souverain castillan. Celui-ci, saint Ferdinand, avait repris Cordoue dès 1236 et l’avait incorporée au royaume de Castille.Cordoue chrétienneCordoue, qui abritait des musulmans et des juifs, grâce à la tolérance des rois chrétiens, garda, dans le domaine des arts, un vivant héritage de son passé islamique: des monuments mudéjars, c’est-à-dire des édifices chrétiens fidèles pour l’essentiel aux formes et aux techniques de l’art musulman d’Espagne, furent bâtis dans la ville et dans la région. Cordoue, où résidait un chef militaire, l’adelantado qui avait la charge des opérations contre le royaume de Grenade, restait, pour les rois de Castille, une place importante.Le christianisme transformait Cordoue: dès la Reconquête, la grande mosquée était devenue cathédrale. Paroisse et couvents modifiaient profondément la vie de la cité. Les musulmans, du fait des émigrations et des conversions, étaient de moins en moins nombreux. En 1492, les juifs furent expulsés d’Espagne; cette même année, les Rois Catholiques mettaient fin, par la prise de Grenade, à l’Islam espagnol.Cordoue, dans une Espagne chrétienne et unifiée, n’était plus que la capitale provinciale d’un riche pays agricole. On y éleva assez peu de grands monuments de style classique. En revanche, le style mudéjar se prolongea souvent dans les palais et les maisons.À la fin du XIXe et au XXe siècle, Cordoue a bénéficié de la prospérité croissante de la vallée du Guadalquivir et de la Campiña. De nouveaux quartiers enveloppent la ville ancienne et parfois empiètent sur elle. Mais le cœur de la cité, autour de la grande mosquée, a conservé son plan ancien. Ses maisons blanches à patios fleuris sont les plus belles de toute l’Espagne du Sud.Par-delà l’Islam, l’Andalousie éternelle a revêtu à Cordoue une de ses formes les plus parfaites. Cordoue a donné à l’Espagne et au monde Lucain et Sénèque dans l’Antiquité, le philosophe musulman Averroès et le penseur juif Maïmonide au XIIe siècle, le poète Gongora et le peintre Luis Valdés Leal à l’époque classique. À toutes les époques de son histoire, elle a été fidèle à sa vocation spirituelle.Cordoue(en esp. Córdoba) v. d'Espagne (Andalousie), sur le Guadalquivir; 307 270 hab.; ch.-l. de la prov. du m. nom. Centre agric., industr. et tourist.— Mosquée omeyyade (fin VIIIe-Xe s.), la plus grande du monde après celle de La Mecque, vouée au culte cathol. au XIIIe s. égl. mudéjares et goth.— Capitale de la prov. romaine de Bétique, la ville fut prise par les Goths (572), puis par les Arabes (711): les Omeyyades en firent la cap. de l' émirat de Cordoue (756-1236), qui marqua l'un des sommets de la civilisation arabe; savants, poètes, écrivains (Averroès et Maimonide y sont nés) affluèrent des métropoles musulmanes d'Orient, mais, à partir de 1109, le califat, ruiné par les troubles, se divisa en petits royaumes. Après la Reconquista, la ville perdit son importance.
Encyclopédie Universelle. 2012.